Mes trois livres indispensables sur l'Inde. Et sur Bombay.
Publié par Chouyo.
Je vous
fais part régulièrement ici d'une sélection de mes lectures sur l’Inde (il
faudrait mettre tout ça à jour, soit dit en passant). Mais
s'il fallait faire un choix ? S'il fallait conseiller trois livres
essentiels,
indispensables, nécessaires, lesquels choisirais-je ? Voici le nouveau
sujet commun du "Bombay Blog" (retrouvez les articles de mes camarades ICI).
Pas facile de sélectionner. Et surtout : faut-il privilégier les auteurs indiens alors que bien souvent le point de vue extérieur est préférable pour décortiquer une société, une histoire ? Plutôt des romans, des essais, de la poésie, de la bande dessinée, des nouvelles, des pamphlets, des beaux-livres ?
Partons alors du plus probable : tu voyages en Inde. Ton sac à dos pèse déjà lourd et tu ne vas prendre que les livres les plus utiles pour t'aider à comprendre l’Inde, en plus évidemment des quelques guides touristiques indispensables. Voici donc mes conseils de lecture, dans cet ordre-là…
L’Inde
où j’ai vécu,
d'Alexandra David Néel. Essentiel, comme première explicitation des
codes du comportement indien. La religion infiltre tous les actes ici,
sociaux, politiques et familiaux. Quoique daté, tout y est
rigoureusement d'actualité : culture passionnante, violence, diversité,
masturbation pseudo-philosophique (et sexe tantrique aussi, tout y
passe). J'en ai fait une critique plus précise ICI. Après cette première incursion dans la société indienne...
Passage to India (Route des Indes), d'Eward M. Forster. Une évidence romanesque d'un de mes auteurs anglais favoris, pour qui veut comprendre la confrontation entre l'Occident et l'Inde (qui n'est pas Orient, malgré tout ce que l'on veut vouloir nous faire croire). Pour saisir les fondements de l'attitude condescendante et hors-d'Inde de la société coloniale, qui survit dans la société néocoloniale, pour comprendre la volonté de s'intégrer et de comprendre l'autre, de la part des Indiens comme des Occidentaux, mais aussi cette étrangeté irréductible à quoi aboutit l'impatriation. Le film qu'en a tiré David Lean (avec Judy Davies, Alec Guinness, Edward Fox) est tout aussi magistral (avec une très belle scène à la Gateway of India d'ailleurs...).
Et parce que beaucoup, voire tout ?, s'explique par la religion en Inde, l'indispensable Penguin Dictionary of Religion in India. Excellent. D'une érudition et d'une précision salvatrices quand on se retrouve devant un monument, une institution, un temple, un gourou, un texte, un détail et que l'on veut comprendre de quoi il retourne. Rare.
Mais disons
maintenant que tu viennes t’installer à Bombay.
Certes, il te faut avoir déjà
lu les oeuvres précédentse et bien plus sur l’Inde en général pour
apprécier dans
son entièreté, et donc comprendre et expliquer la culture indienne. Et
spécifiquement sur Bombay alors ? Et bien, je te suggère de t’imprégner de l’atmosphère de la ville, de
comprendre
les ressorts qui la font se mouvoir, non à travers des explications et
des
théories, mais à travers l’émotion de personnages et l'excellente verve
littéraire des auteurs indiens et anglo-saxons. Dans cet ordre-là, à
nouveau…
L’Equilibre du Monde (A Fine Balance), de Rohinton Mistry. Je l'ai lu bien avant d'imaginer que je pourrais un jour habiter à Bombay. Un roman-fleuve qui narre l'histoire de quatre personnages aux prises avec l'histoire indienne. Et aux prises avec la magie horrifiante (ou l'horreur magique ?) de Bombay. Un schéma narratif parfait, on ne peut reposer ce livre, une tension maîtrisée et surtout l'imbrication parfaite du destin de ces personnages attachants et des grands travaux de la machine-Inde : mon premier contact avec Bombay a été un coup de coeur littéraire, comme il a été ensuite un coup de coeur tout court lorsque j'y ai posé le pied...
Un
Enfant de la balle (A Son of the Circus),
de John Irving. Etonnant John Irving qui, tout au long de son oeuvre,
multiplie les romans à tiroirs, où chaque personnage est lourd d'une
histoire, alambiquée voire malsaine, où tous les destins s'entremêlent
en une écriture jubilatoire ; étonnant John Irving qui parvient, grâce
à son personnage de médecin d'origine indienne vivant au Canada et
revenant à Bombay, à saisir en toute finesse la Bombay
tentaculaire, celle qui évolue à une vitesse folle et qui, en même
temps, porte toujours les stigmates d'une société violente, castratrice
et fascinante à la fois.
Les
Enfants de Minuit (Midnight's Children),
de Salman Rushdie. Toute son oeuvre d'ailleurs est imprégnée, de près
ou de loin, de Bombay. Mais plus particulièrement ce roman, dont
j'avais fait la critique ICI,
et qui recompose une topographie urbaine en mêlant le destin de son
personnage et l'histoire de l'Inde, tous deux nés le 15 août 1947 à
minuit. Complexe, mystérieux, insaisissable : le style de Rushdie comme
l'Inde...
Pour les beaux-livres, essais, poèmes et bandes dessinées, ce sera pour une autre fois...